Mais des réticences tenaces!
... ou pourquoi, s'agissant de sciences fondamentales, la société victime de "la fabrication du consentement" (the manufacture of consent) ne prête attention à certains de leurs achèvements qu'avec retard. En matière de santé publique par exemple, face à la hausse constante des coûts de la santé (en Suisse, ils ont passé de 37.8 milliards de francs en 1995 à 77.8 milliards en 2015), le silence des médias et surtout le manque d’intérêt des professionnels de la santé et responsables politiques pour la leçon la plus importante des acquis récents en sciences du vivant sont proprement choquants [18]. Serait-ce parce que cette leçon pourrait déranger un empire économique bien établi et remettre en question une couverture médiatique limitée aux seules applications économiquement profitables des technologies associées au nouveau savoir? Heureusement, dans un avenir proche le grand public ne pourra plus à la fois ignorer l'essentiel et se réjouir de l'avènement annoncé des "thérapies géniques" ou de la "santé personnalisée".
Malgré toutes les avancées techniques, il subsiste dans notre vieille Europe un préjugé tenace que même un Luis Buñuel partageait lorsqu’il écrivait: «La science me semble prétentieuse, analytique et superficielle» [7]. La croyait-il dogmatique? Ou bien confondait-il théorie et science? Quoi qu’il en soit, c’est en raison d’une défiance certaine à l’égard des sciences, héritée d’une culture humaniste qui n’avait pas fini de réagir aux excès réductionnistes des XIXe et XXe siècles [19], qu’il déplorait encore : «La furie de comprendre, et par conséquent de rapetisser, de “médiocriser”, est un des malheurs de notre culture». Hélas, l'un des malheurs de notre culture est bien plutôt que le monde des connaissances scientifiques n’est le plus souvent accessible au grand public qu’à travers le prisme déformant de la publicité ou du journalisme de masse, et que même les personnes qui font partie de ce qu'il est convenu d'appeler nos élites ne tentent que mollement de renoncer au confort d’une pensée unique. En cela elles continuent d'illustrer combien l’intégration de nouvelles connaissances à un corpus qu’elles viendraient bousculer est souvent ralentie [20], quand elle n'est pas stoppée par ce qu'on appelle pudiquement des groupes d'intérêt. En réalité, la non-considération de la prévention primale par les professionnels de la santé n'est autre qu'une conséquence de l'abandon du bien commun par l'ensemble des bénéficiaires d'un secteur important de l'économie mondialisée.
Un éveil de la majorité silencieuse est à ce titre souhaitable, que son silence ait été l’expression d’une résignation, d'un dépit ou, pire, d’un manque de temps ou du harassement lié à des activités professionnelles peu gratifiantes.
Malgré toutes les avancées techniques, il subsiste dans notre vieille Europe un préjugé tenace que même un Luis Buñuel partageait lorsqu’il écrivait: «La science me semble prétentieuse, analytique et superficielle» [7]. La croyait-il dogmatique? Ou bien confondait-il théorie et science? Quoi qu’il en soit, c’est en raison d’une défiance certaine à l’égard des sciences, héritée d’une culture humaniste qui n’avait pas fini de réagir aux excès réductionnistes des XIXe et XXe siècles [19], qu’il déplorait encore : «La furie de comprendre, et par conséquent de rapetisser, de “médiocriser”, est un des malheurs de notre culture». Hélas, l'un des malheurs de notre culture est bien plutôt que le monde des connaissances scientifiques n’est le plus souvent accessible au grand public qu’à travers le prisme déformant de la publicité ou du journalisme de masse, et que même les personnes qui font partie de ce qu'il est convenu d'appeler nos élites ne tentent que mollement de renoncer au confort d’une pensée unique. En cela elles continuent d'illustrer combien l’intégration de nouvelles connaissances à un corpus qu’elles viendraient bousculer est souvent ralentie [20], quand elle n'est pas stoppée par ce qu'on appelle pudiquement des groupes d'intérêt. En réalité, la non-considération de la prévention primale par les professionnels de la santé n'est autre qu'une conséquence de l'abandon du bien commun par l'ensemble des bénéficiaires d'un secteur important de l'économie mondialisée.
Un éveil de la majorité silencieuse est à ce titre souhaitable, que son silence ait été l’expression d’une résignation, d'un dépit ou, pire, d’un manque de temps ou du harassement lié à des activités professionnelles peu gratifiantes.