Un carcan culturel
La diffusion des connaissances, de toutes les connaissances, nous libérera d’un carcan culturel en matière de santé publique.
«Si on n’a pas le souci de penser la médecine, elle se réduira à un système économique» [74]. Mais ne sommes-nous pas déjà "acclimatés" à un système de santé contrôlé par la macroéconomie et la politique, un système dont même le secteur des prestations de service semble piloté par la branche de production? La preuve d’un tel pilotage, en tout cas en Suisse, est que les politiques, «tout en disant à l’électeur moyen ce qu’il veut entendre, décident de tout autre chose dans les Chambres» [75], en l’occurrence de ce que veulent les groupes d’intérêt bien organisés de ladite branche de production.
Quoi qu’il en soit, il est urgent de nous rappeler que si la diffusion des connaissances – de toutes les connaissances – est un processus fondamental sur le plan du développement économique, elle l’est aussi sur le plan de notre pouvoir citoyen. Le savoir est un bien commun, ou devrait l’être. Or il se trouve que, dans plusieurs domaines, certaines connaissances acquises, et parfois depuis longtemps déjà, ne sont toujours pas accessibles au plus grand nombre. Ou alors elles lui sont présentées dans le cadre de la pensée unique. Le biais créé par la pensée unique est constamment renforcé par le doux assoupissement qu’elle favorise et l’adhésion qu’à force elle engendre. La construction d’une vision du monde prétendue 'aller de soi' «est à ce point intégrée dans nos modes de pensée qu’elle en devient invisible pour la bonne raison que nos modes de pensée font eux-mêmes partie de la construction. Imparable» [76]. William Burroughs, déjà, avait pris conscience de ce que l’autocensure, qui nous garde de proférer des incongruités telles que «mais vous êtes obèse !» ou «vous avez un beau cul», dépasse largement le domaine des seules inconvenances pour s’étendre à celui de certaines idées. Cette autocensure est à ce point "internalisée" qu’on ne s’en rend plus compte ; il nous semble au contraire que nos pensées ne subissent aucune contrainte et sont réellement libres. En toute vraisemblance, ceux et celles qui, collectivement, constituent l’instigateur externe ou le "législateur" de nos pensées – nos parents, nos amis, le gouvernement – se sont eux-mêmes convaincus que nombre d’idées, qui de toute façon auraient fait l’objet d’une autocensure, ne nous viendraient même pas à l’esprit, qu’elles n’existent tout simplement pas. Pour finir, s’il n’y a plus de pensée "hors de la boîte", c’est que tout, y compris le fabricant de la boîte, est dans la boîte [77].
Nous pouvons certes cultiver l'optimisme en faisant confiance à la prévention primale pour forger les citoyens de demain et ainsi conjurer la menace que représentent, pour nous tous, le jeu des «gigantesques personnes immortelles». Mais nous devons aussi garder à l'esprit que ces dernières, dans la mesure où elles sont devenues, collectivement, le régent de la planète, conditionnent le pouvoir des personnalités politiques. Elles aggravent de ce fait la servitude volontaire en général et l’esclavage salarial en particulier. Elles façonnent enfin ce qu’il est convenu d’appeler, non sans quelque ironie, notre culture [78].
«Si on n’a pas le souci de penser la médecine, elle se réduira à un système économique» [74]. Mais ne sommes-nous pas déjà "acclimatés" à un système de santé contrôlé par la macroéconomie et la politique, un système dont même le secteur des prestations de service semble piloté par la branche de production? La preuve d’un tel pilotage, en tout cas en Suisse, est que les politiques, «tout en disant à l’électeur moyen ce qu’il veut entendre, décident de tout autre chose dans les Chambres» [75], en l’occurrence de ce que veulent les groupes d’intérêt bien organisés de ladite branche de production.
Quoi qu’il en soit, il est urgent de nous rappeler que si la diffusion des connaissances – de toutes les connaissances – est un processus fondamental sur le plan du développement économique, elle l’est aussi sur le plan de notre pouvoir citoyen. Le savoir est un bien commun, ou devrait l’être. Or il se trouve que, dans plusieurs domaines, certaines connaissances acquises, et parfois depuis longtemps déjà, ne sont toujours pas accessibles au plus grand nombre. Ou alors elles lui sont présentées dans le cadre de la pensée unique. Le biais créé par la pensée unique est constamment renforcé par le doux assoupissement qu’elle favorise et l’adhésion qu’à force elle engendre. La construction d’une vision du monde prétendue 'aller de soi' «est à ce point intégrée dans nos modes de pensée qu’elle en devient invisible pour la bonne raison que nos modes de pensée font eux-mêmes partie de la construction. Imparable» [76]. William Burroughs, déjà, avait pris conscience de ce que l’autocensure, qui nous garde de proférer des incongruités telles que «mais vous êtes obèse !» ou «vous avez un beau cul», dépasse largement le domaine des seules inconvenances pour s’étendre à celui de certaines idées. Cette autocensure est à ce point "internalisée" qu’on ne s’en rend plus compte ; il nous semble au contraire que nos pensées ne subissent aucune contrainte et sont réellement libres. En toute vraisemblance, ceux et celles qui, collectivement, constituent l’instigateur externe ou le "législateur" de nos pensées – nos parents, nos amis, le gouvernement – se sont eux-mêmes convaincus que nombre d’idées, qui de toute façon auraient fait l’objet d’une autocensure, ne nous viendraient même pas à l’esprit, qu’elles n’existent tout simplement pas. Pour finir, s’il n’y a plus de pensée "hors de la boîte", c’est que tout, y compris le fabricant de la boîte, est dans la boîte [77].
Nous pouvons certes cultiver l'optimisme en faisant confiance à la prévention primale pour forger les citoyens de demain et ainsi conjurer la menace que représentent, pour nous tous, le jeu des «gigantesques personnes immortelles». Mais nous devons aussi garder à l'esprit que ces dernières, dans la mesure où elles sont devenues, collectivement, le régent de la planète, conditionnent le pouvoir des personnalités politiques. Elles aggravent de ce fait la servitude volontaire en général et l’esclavage salarial en particulier. Elles façonnent enfin ce qu’il est convenu d’appeler, non sans quelque ironie, notre culture [78].